Afrika Diorama 39 - Afrikanischer Elefant

Le colonialisme à travers le prisme de l’histoire naturelle

RECHERCHE

En tant que musée, il nous tient à cœur de retracer, étape par étape, l’origine de nos collections et de lui donner de la visibilité. Nos collections sont également ouvertes aux chercheuses et chercheurs externes qui souhaitent les étudier dans ce cadre.

Pourquoi un musée d’histoire naturelle s’intéresse-t-il à la recherche de provenance? Connaître le lieu de la découverte, la date de décès et les donatrices et donateurs des animaux est essentiel, car ces éléments leur confèrent une valeur scientifique. Mais derrière les spécimens, les os, les minéraux et les fossiles se cachent aussi des récits intéressants, bien au-delà de simples données, des histoires que la recherche de provenance permet de faire émerger. Qui a procuré des animaux au musée? Quelles étaient les motivations de ces personnes, et qui les a mandatées? Quelles expériences ont-elles vécues lors de leurs expéditions, et avec qui ont-elles été en contact? Chercher la réponse à ces questions nous ramène notamment à l’histoire coloniale.

Au NMBE, une grande partie des «Animaux d’Afrique» provient d’anciennes colonies britanniques en Afrique de l’Est, à savoir du Kenya et de l’Ouganda. Vivienne von Wattenwyl, chasseuse de gros gibier, et son père Bernard von Wattenwyl ont abattu des animaux entre 1923 et 1924 lors d’un voyage de chasse et ont ensuite envoyé à Berne les peaux et les os des bêtes tuées. Ils ont ainsi profité des structures coloniales; en d’autres termes, ils ont exploité le savoir et la main-d’œuvre de la population locale.

L’histoire de la bufflonne angolaise exposée (voir photo ci-dessus), arrivée à Berne en 1955 par l’intermédiaire de Joseph Fénykövi, chasseur de gros gibier, a elle aussi fait l’objet de recherches approfondies. Comme l’a révélé la chercheuse Sarah Csernay à partir notamment d’archives du musée, cet animal n’a pas été abattu uniquement pour la science: cette chasse s’inscrivait également dans un désir de reconnaissance, un élan d’ambition, une vision coloniale du monde et un fantasme de supériorité européenne. Déjà dans les années 1950, des voix se sont élevées pour dénoncer les méthodes de chasse de J. Fénykövi, jugées en profond décalage avec les exigences scientifiques du musée, car elles ne respectaient ni les pratiques de la chasse ni les principes de la protection animale. L’article de Sarah Csernay intitulé Im Visier der Wissenschaft a été publié en 2024 (voir ci-dessous).

En 2022, notre équipe d’exposition, en collaboration avec un groupe de spécialistes internationaux, a replacé les 38 dioramas historiques «Animaux d’Afrique» dans leur contexte colonial, à travers une petite exposition installée dans le hall d’entrée. Depuis, l’histoire controversée et la vision eurocentrée du continent africain ont été abordées. Les panneaux d’information ne se contentent plus d’indiquer les noms allemands et latins ainsi que le statut de conservation de l’espèce: ils offrent aussi des informations complémentaires sur son mode de vie, son déclin et la destruction de son habitat – et mentionnent les noms des animaux dans la langue officielle de leur région d’origine. Toutes les images et les termes employés dans l’exposition ont été examinés avec soin et, le cas échéant, contextualisés.

Dans le cadre du vaste projet global «Diorama – Histoire, Idylle, Illusion», l’équipe a remanié le contenu des 210 dioramas historiques du musée, y compris les «Animaux de Suisse», les «Animaux du Nord» et les «Animaux d’Asie».  Chacune de ces étapes constitue une pièce d’un puzzle plus large. Nous prenons au sérieux notre mission de donner de la visibilité, pièce par pièce, à l’histoire de l’origine de nos collections.

Publications sur le sujet

Csernay, Sarah: «Im Visier der Wissenschaft. Jagen am Ende der Welt», in K. Lee Chichester, Priska Gisler, Kunstmuseum Bern (Hrsg.): «Koloniale Tiere? Tierbilder im Kontext des Kolonialismus», Neofelis, Berlin, 2024, S. 305-327.

Csernay, Sarah und Hertwig, Stefan: «Kontextualisierung zoologischer Sammlungen», in: Verband der Museen der Schweiz (Hrsg.): «Provenienzforschung im Museum II. Sammlungen aus kolonialen Kontexten. Grundlagen und Einführung in die Praxis», VMS, Zürich, 2022, online.

Strahm, Dora und Christ, Stefanie: «Zwischen Idyll und Lebensraumzerstörung: neuer Blick auf Afrika-Dioramen», in: Medaillon. Informationen aus der Burgergemeinde Bern, Nr. 38, November 2022, S. 8-9, online.

Gisler, Priska: «Man hat uns für das Wenden der Ohren einen nützlichen Wink gegeben. Zur kolonialen Geschichte des Elefantenpräparats im Naturhistorischen Museum Bern», in K. Lee Chichester, Priska Gisler, Kunstmuseum Bern (Hrsg.): «Koloniale Tiere? Tierbilder im Kontext des Kolonialismus», Neofelis, Berlin, 2024, S. 279-304.

Naturhistorisches Museum Bern (Hrsg.): Podcast-Beitrag «Grosswildjagd und Kolonialgeschichte: Welche Rolle spiel(t)en wir?», mit Gesine Krüger, Historikerin Universität Zürich, Solomon Sebuliba, Umweltbiologe Universität Oldenburg, Antoine Spillmann, Safari Club International, Stefan Hertwig, Leiter Wirbeltiere NMBE, 2022, online.

Schindler, Sara: «Auf Safari. Was ein Tierpräparat über die Geschichte der Jagdreisen in Afrika erzählt». Publiziert auf: Geschichteimpuls.ch, März 2025, online.

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